Le scandale HSBC vu par le magazine "Rolling Stone".
L’accord a été annoncé en loucedé, juste avant les vacances de Noël, comme si le gouvernement espérait que les gens soient trop occupés à mettre leurs souliers devant la cheminée pour y prêter attention.
Laissant sur le cul politiciens, avocats et enquêteurs partout dans le monde, le département américain de la justice a laissé en liberté les dirigeants de la banque d’origine britannique HSBC pour la plus grande affaire de blanchiment d’argent de la drogue et de terrorisme de tous les temps. Ils ont certes prononcé une amende - 1.9 milliard de dollars (euros), soit l’équivalent de 5 semaines de profit- mais ils ne sont pas allés jusqu’à soutirer un dollar ou coller un jour de prison à qui que ce soit, en dépit d’une décennie d’abus stupéfiants.
On comprend que les gens en aient ras le bol de Wall Street et que de nouvelles histoires de milliardaires cupides qui volent toujours plus n’arrivent même plus à les scandaliser. Mais l’affaire HSBC est allée bien au delà des crimes de papier et de clavier commis par ces geeks encravatés que l’on associe généralement à Wall Street. Dans cette affaire, la banque s’est littéralement accommodée de meurtres -oui oui, les a d’une certaine manière aidés et encouragés.
Depuis au moins cinq ans, le légendaire pouvoir bancaire colonial britannique a permis de blanchir des dizaines de millions de dollars pour des organisations de narco-trafiquants, y compris le cartel mexicain de Sinoala, suspecté de dizaines de milliers de meurtres au cours des 10 dernières années - des gens à ce point complètement tarés, plaisante l’ancien procureur général de New York Eliot Spitzer « qu’en comparaison les mecs de Wall Street avaient l’air de bons gars ». La banque avait aussi transféré de l’argent pour le compte d’organisations liées à Al Qaeda et au Hezbollah, ainsi que pour des gangsters russes ; avait permis à des pays comme l’Iran, le Soudan et la Corée du Nord d’échapper aux sanctions et, tout en aidant les assassins, les terroristes et les États voyous, avait aidé un nombre incalculable de fraudeurs fiscaux ordinaires à planquer leurs sous.
« Ils ont violé toutes les putains de lois du code pénal », dit Jack Blum, avocat et ancien enquêteur du Sénat qui dirigea une très importante enquête de trafic d’influence contre Lockheed dans les années 1970, laquelle conduisit au vote de « l’Acte sur les pratiques de corruption à l’étranger ». « Ils ont employé toutes les formes imaginables de business illégal et illicite. »
Que personne à la banque ne soit allé en prison ou n’ait eu à payer à titre personnel un seul dollar d’amende, rien de bien neuf dans cette ère de crise financière. Ce qu’il y a de différent dans ce verdict, c’est que le Département de la justice, et pour la première fois, a admis la raison pour laquelle il a décidé d’être indulgent pour cette variété particulière d’affaire criminelle : il avait peur que quelque chose de plus violent qu’une petite tape sur les doigts d’HSBC puisse affaiblir l’économie mondiale. « Si les autorités américaines avaient décidé d’engager des procédures pénales », dit le procureur général adjoint Lenny Breuer lors d’une conférence de presse pour annoncer la décision, « HSBC aurait presque à coup sûr perdu son agrément bancaire aux États-Unis, l’avenir de l’institution aurait été menacé et c’est le système bancaire tout entier qui aurait été déstabilisé ».
Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère. Dans les années qui ont suivi le 11 septembre, le simple fait de se faire approcher par une personne suspectée de terrorisme pouvait vous conduire en détention clandestine pour le restant de vos jours. Mais désormais, quand on est « Trop gros pour aller en prison », on peut se faire gauler pour blanchiment de l’argent du terrorisme et violation de l’« Acte contre l’intelligence avec l’ennemi », et non seulement on ne sera pas poursuivi pour ça, mais en prime le gouvernement se mettra en quatre pour faire en sorte qu’on ne perde pas son agrément. Quelqu’un au Congrès m’a décrit le truc ainsi : « OK, très bien, une amende, pas de peine de prison, mais ils n’ont même pas été foutus de leur enlever l’agrément ? C’est une plaisanterie ? »
Mais le Département de la Justice n’avait pas terminé sa distribution de cadeaux de Noël. Un peu plus d’une semaine plus tard, Breuer était de retour devant la presse, faisant un joli cadeau à une autre énorme société internationale, la banque suisse UBS, qui venait juste de reconnaître son rôle clé dans ce qui est peut-être la plus grosse affaire de l’histoire en matière de monopole et de distorsion de concurrence, connue sous le nom de scandale du LIBOR, une conspiration de manipulation massive des taux, impliquant des centaines de milliers de milliards de dollars (avec 14 zéros) en produits financiers. Alors que deux lampistes ont été condamnés, Breuer et le Département de la Justice se sont ouvertement inquiétés pour la stabilité globale en expliquant pourquoi aucune accusation pénale n’avait été retenue contre la maison mère.
« Notre but ici », dit Breuer, « n’est pas de détruire une institution financière majeure ».
Un journaliste à la conférence sur UBS fit remarquer que cette banque avait déjà été épinglée en 2009 dans une affaire majeure d’évasion fiscale, et posa une question délicate : « C’est une banque qui a déjà enfreint la loi auparavant », dit le journaliste, « alors, pourquoi ne pas être plus sévère ? »
« Je ne sais pas ce que “plus sévère” veut dire », répondit le procureur général adjoint.
Connue aussi sous le nom de « Hong Kong and Shanghai Banking Corporation », HSBC a toujours été associée à la drogue. Fondée en 1865, HSBC est devenue la principale banque de la Chine coloniale après la fin de la Seconde Guerre de l’Opium. Si vos connaissances sur les différentes guerres d’agression impérialiste britanniques sont un peu rouillées, la Seconde Guerre de l’Opium fut celle où l’Angleterre et d’autres puissances européennes [ndT : et principalement la France] massacrèrent un grand nombre de Chinois jusqu’à ce qu’ils consentent à légaliser le commerce de la drogue (un peu comme ils l’avaient fait lors de la Première Guerre de l’Opium, qui s’était terminée en 1842).
Un siècle et demi plus tard, il semble que les choses n’aient pas beaucoup changé. Avec sa forte implantation dans nombre des divers ex-territoires coloniaux en Asie et en Afrique, ainsi que par sa riche histoire de flexibilité morale transculturelle, HSBC a une empreinte internationale très différente des autres banques « Trop grosses pour faire faillite » comme Wells Fargo ou Bank of America. Alors que les monstres bancaires américains se sont principalement gavés dans le commerce du crédit immobilier subprime qui a causé la bulle financière de 2008, HSBC a pris un chemin légèrement différent, devenant la banque de prédilection des salopards locaux et internationaux de toutes les variétés possibles.
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